Etnosemiotica.it

Un sito per la comunità dei ricercatori interessati all’antropologia e alla semiotica, per mettere in comune le risorse intellettuali e la diffusione dell’informazione

Visualizzazione normale Testo più grande Visualizzazione ad alto contrasto Visualizzazione alternativa


Le mariage de mythe et de raison selon Lévi-Strauss (abstract)

Jacques Geninasca

On trouvera, reproduits ci-dessous, trois extraits de l’œuvre de Lévi-Strauss. Echelonnés sur une période de vingt ans, ils ont trait au rapport de la pensée mythique avec ce qui n’est pas elle, « la pensée positive » ou « la pensée scientifique ». On les soumettra à un examen critique chargé d’en vérifier la consistance interne ainsi que leur mutuelle compatibilité

« La logique de la pensée mythique nous semble aussi exigeante que celle sur quoi repose la pensée positive, et, dans le fond, peu différente. Car la différence tient moins à la qualité des opérations intellectuelles qu’à la nature des choses sur lesquelles portent ces opérations ».
(Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Plon, p. 254-55. 1958)


« A la différence d'un énoncé linguistique qui ordonne, questionne ou informe et que tous les membres d'une même culture ou sous-culture peuvent comprendre pour peu qu'ils disposent du contexte, le mythe n'offre jamais  à ceux qui l'écoutent une signification déterminée. Un mythe propose une grille, définissable seulement par ses règles de construction. Pour les participants à la culture dont relève le mythe, cette grille confère un sens, non au mythe lui-même, mais à  tout le reste : c'est-à-dire aux images du monde, de la société et de son histoire dont les membres du groupe ont plus ou moins conscience, ainsi que des interrogations que leur lancent ces divers objets. […]  la matrice d'intelligibilité fournie par le mythe permet de les articuler en un tout cohérent. » (« Préface » à Six Leçons sur le son et le sens, de Roman Jakobson, Les Editions de Minuit, 1976, p. 16, repris in  Le Regard éloigné, 1983, p. 199- 200).

« Dire qu’une pensée [celle des « peuples sans écriture »] est désintéressée et de type intellectuel ne signifie pas qu’elle soit l’égale de la pensée scientifique. Elle en diffère d’une certaine manière en même temps qu’en un sens elle lui est inférieure. Elle en diffère en ceci que son but est de  parvenir, en recourant à un nombre aussi restreint que possible de moyens, à une compréhension générale de l’univers – une compréhension non seulement générale de l’univers, mais aussi totale. Il est donc implicite, dans cette pensée, qu’à moins de tout comprendre on ne peut rien expliquer. Ce qui est en contradiction totale avec la démarche de la pensée scientifique qui procède par étapes, cherchant à expliquer des phénomènes très limités pour passer ensuite à d’autres phénomènes, et ainsi de suite. Ainsi que l’affirmait Descartes, la pensée scientifique cherche à diviser un problème en autant de parties qu’il est nécessaire pour le résoudre.
L’ambition totalitaire de l’esprit primitif diffère donc radicalement des procédures de la pensée scientifique. Une telle différence consiste de toute évidence en ceci qu’une telle ambition est irréalisable. Grâce à la pensée scientifique  nous pouvons nous assurer une maîtrise de la nature – je n’insiste pas sur ce point tant il est évident – alors qu’il est bien clair que le mythe ne parvient pas à accroître le pouvoir matériel de l’homme sur son milieu. Il lui donne, en revanche – et ceci est très important – l’illusion de pouvoir comprendre l’univers, et de le comprendre naturellement, effectivement. Mais ce n’est qu’une illusion. [Lévi-Strauss, Mito e significato, Il Saggiatore, Milano 1980/ Myth and meaning University of Toronto Press, 1978. - trad. fr. de la version italienne par J.G.]

L’examen de ces textes nous fournira le point de départ d’une réflexion sur le statut sémiotique de l’anthropologie structurale :  la description et l’analyse des mythes présuppose-t-elle, débouche-t-elle sur une sémiotique discursive ou, du moins, sur une sémiotique des discours mythiques?
Un poème de Nerval, “El Desdichado”, apparemment aussi “hermétique” qu’un mythe amérindien nous permettra d’illustrer la pérennité de la “pensée mythique” et son actualité : on peut  montrer en effet, comment, moyennant quelles opérations mentales, ce sonnet est, à la manière des mythes,  un “opérateur de médiation.